samedi 3 mars 2012

Meurtri, mais toujours debout ...



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... le Pin cembro ou Arolle (Pinus cembra)

Le commentaire d’Oxygène —dans le message précédent— m’a révélé que dans le domaine du lexique quelques dénominations, évidentes pour certains, ne le sont pas pour tout le monde. La richesse d’une langue —le français en l’occurrence— se construit en fonction de ses diverses sources (historiques, géographiques et linguistiques).
Ainsi le nom de l’arbre que j’ai désigné sous le terme d’arolle serait une appellation régionale originaire du francoprovençal (1), langue parlée dès la période carolingienne sur un territoire qui va de Lyon à Genève et qui englobe Grenoble, la Savoie et la Suisse romande.
Référence (1) : francoprovençal



Je me suis intéressée à l’étymologie du mot «arolle». En ce moment, c’est ma passion : chercher l’origine des mots utilisés dans une région ; dans un cas particulier, comparer les lexiques français et italien (retrouver les gallicismes dans le vocabulaire italien, les italianismes dans le vocabulaire français).  L’étude des emprunts d’une langue à une autre me renvoie à la connaissance de l’histoire des peuples et de leurs “chefs” (empereurs, rois, ...). Pour cela, j’ai acquis un livre “passionnant” dans lequel je trouve des informations qui me sont utiles fréquemment : Mille ans de langue française, histoire d’une passion I. Des origines au français moderne (Alain Rey, Frédéric Duval, Gilles Siouffi, Ed. Perrin, 2007, 2011).


«Arole, arolle [n. m., parfois f.] (2)
Espèce de pin (Pinus Cembra), appelé aussi pin d´arolle ou pin cembrot, qu’on    trouve entre 1200 et 2500 m.
Patois aròla, gaulois *arulla diminutif de *arwa, “pin, conifère” ».
Référence (2) : arole

arolle + mélèze

Les photos d’arolles ont été prises en automne de l’année passée à Zermatt, plus précisément à Ryffelalp aux alentours du Grünersee.
Par sa présence au fond du val d’Hérens, cet arbre a donné son nom à une station de haute montagne —Arolla— située dans le Val d’Arolla, au pied du Pigne d’Arolla !
Mais le lieu le plus occupé par cette essence est la forêt qui domine le glacier d’Aletsch.
         «L’arolle, la principale essence de la forêt d’Aletsch, mérite une attention particulière. Cette espèce possède deux caractéristiques particulières: elle est, d’une part, extraordinairement résistante et, d’autre part, elle peut atteindre un âge formidablement avancé. Les arolles, dont la forme est tortueuse et noueuse, doivent leur résistance à leur résine, qui leur confère également leur odeur caractéristique. Lorsqu’un arolle est blessé, la résine s’écoule immédiatement et protège l’arbre contre d’éventuelles  agressions de la part d’organismes parasites (champignons ou insectes).

 Les conditions de vie étant difficiles, la croissance des arolles  de la forêt d’Aletsch est extraordinairement lente: un arbre de 3 à 4 mètres de hauteur peut être âgé de 60 à 80 ans! Mais les arbres compensent cette lenteur par une longue espérance de vie. En effet, des études ont révélé que les arolles de la forêt d’Aletsch atteignent un âge minimum de 600 à 700 ans. Il est même probable que certains arolles atteignent un âge beaucoup plus avancé ... La forêt d’Aletsch renferme vraiment les plus vieux arbres de Suisse.» (3)
Référence (3) : Aletsch

 


19 commentaires:

Oxygène a dit…

Merci Monic pour toutes ces informations plus intéressantes les unes que les autres. J'avais presque en te lisant l'impression de sentir une bonne odeur de résine de pin.
Je comprends ton intérêt pour l'origine des mots. Ce doit être passionnant de se plonger là-dedans.
J'espère que tu nous feras partager de temps en temps tes belles découvertes et trouvailles.
Je te souhaite une bonne soirée et un très bon dimanche.

Plantine a dit…

Très intéressant tout ça !
Donc si j'ai bien suivi, pin d'arolle voudrait dire 'pin pin' ... c'est rigolo. ☺
Il y a eu tant de brassages de populations en tout temps, que toutes les langues ont bien dû finir par se 'métisser' et qu'il ne doit pas être facile de retrouver l'origine de certains mots.
A ce propos, sur nos blogs aussi, faut décrypter avec beaucoup de mal les nouveaux mots de sécurité dans les commentaires ! ☺
Je trouve que ces pins sont extraordinairement résistants et dignes d'admiration. Personnellement, j'ai toujours adoré les grands et vieux arbres.
Je te souhaite un bon dimanche.

Zipanu a dit…

Il reste encore quelques résistances à la francisation et cela donne un certain charme à des régions où le générations ont de plus en plus la bougeotte et perdent leurs identités.
Parfois notre réaction à ce monde qui change est de conserver en mémoire ces originalités en passe de disparaitre et alors se pose la question, qu'est-ce qui est essentiel dans les traces du temps à travers cette évolution où tout finira par muter ?
Peut-on arrêter le temps, le faut-il ou doit-on accélérer en toute hâte ?
Y a t-il une tempérance dans tout ça ?

✿France✿ a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
✿France✿ a dit…

Je viens aussi te dire bonsoir et merci de ton passage aussi**
J'adore les arbres ils ont une âme et tu sais j'aime aussi leur parler
La discussion est superbe**
Surtout lorsqu'on discute avec un pin
je regarde ta dernière phot et je pense que je pourrai me faire une
petite cabane oui l'idée est superbe je vais passer alors
Passe une belle soirée Ton blog est si nature que je m'y sens si bien

Gine a dit…

Très intéressant ! J'ai été passionnée par toutes ces informations sur un arbre qui m'a accompagnée depuis l'enfance - et dont j'ignorais à peu près tout ! Merci !

Marithé a dit…

Ce soir j'ai appris beaucoup de choses très intéressantes à propos de l'arolle, de la forêt d'Alescht et du cassenoix le "jardinier" de cette forêt.
Bises

Cathy B a dit…

Bonjour Monic,
Tu le devines, je te suis avec un immense plaisir le long des sentiers de ta passion. Et si en plus, on entend murmurer en fond la voix d'Alain Rey... C'est le bonheur!
Je ne connaissais pas les arolles. Leurs caractéristiques (longévité, arbre noueux...) me rappellent d'autres vénérables arbres mythiques: les faux.
Les arbres n'ont pas fini de nou faire rêver!
Belle semaine

Cathy B a dit…

Oups! "Nous" au lieu de "nou"...

monic a dit…

@ Oxygène
Lorsque j'ai pris ces photos, ça sentait plutôt les champignons. Mais vu que je n'y connais rien dans ce domaine, je ne les ai pas cherchés.
J'hésite parfois à donner des infos trop théoriques car cela peut devenir fastidieux en lecture sur écran. C'est mon avis.
J'ai capté ton souhait et je partagerai quelques découvertes amusantes.

@ Plantine
Plus j'observe les vieux arbres et plus j'en découvre, de ceux que mon regard n'avait pas saisis alors. Lorsque je passe à côté d'eux, si je suis seule, je les salue à haute voix. Mais si quelques promeneurs sont dans les environs, je me contente de murmurer. Non, je ne suis pas gaga, ni chaman!

@ Zipanu
Certains physiciens disent que le Temps s'accélère...
Francisation, italianisation, anglicisation... Ce n'est pas si simple à comprendre. Et la part du normand, du latin, etc. Mais le livre que j'ai mentionné est riche et peut apporter des connaissances nouvelles à tous ceux qui s'intéressent aux idiomes, par exemple.
Pour moi, ce qui est essentiel, c'est ce que j'aurai réussi à intégrer en me libérant de tous les auxiliaires physiques. Ce que je SERAI lorsque je
partirai.

@ France
Ton amandier (et l'olivier) sont des inconnus dans ma région, et lorsque je descends dans le sud, je suis très attirée par ces deux espèces. Et je n'oublie pas le figuier. Par contre, je ne sais pas encore bien leur parler. Faut-il avoir les pieds enracinés dans la même terre pour entrer en contact avec eux?

@ Gine
Si tu as passé ton enfance en sa compagnie, il t'avait déjà bien enseigné les secrets de la nature. Les mots ne font que confirmer ce que tu savais déjà implicitement.

@ Marithé
Votre geai serait heureux avec un arolle, comme le casse-noix que nous avons effectivement entendu à Zermatt cependant sans le voir. Comme il a un plumage sombre, gris et noir de loin, je ne distinguais que sa silhouette sur la cime d'un arbre. Inutile de le photographier.

@ Cathy
Je n'ai pas oublié les faux et ton article “passionnant”: ce sera le but d'une escapade prochaine, je le souhaite.
Alain Rey est l'auteur du Dictionnaire historique de la langue française, deux volumes que j'aime consulter pour le plaisir.

MERCI à tous pour votre passage et votre intérêt pour l'arolle.

Anonyme a dit…

Bonsoir monic,

Loin d’être ennuyeux il est très agréable à parcourir ton billet (comme tous les autres d'ailleurs) ; apprendre l’étymologie du nom « arolle » et profiter de ses photos il ne reste plus qu’a rêver devant le paysage (je ne pensais pas que ces arbres poussaient au-dessus de 1500m.)
Je me rassure en constatant que je ne suis pas seule à parler aux arbres discrètement.
A bientôt

monic a dit…

@elfine
Eh oui, “ceux qui murmurent aux arbres” sont finalement plus nombreux qu'on ne le croit. Si des voix vagabondent dans la forêt, c'est que quelques-uns d'entre nous savent bien se cacher, à moins que ce soient des trolls. Méfiance, méfiance.
Merci pour ta visite.

Christineeeee a dit…

J'avais admiré le glacier d'Aletsch, et retournerais avec plaisir me balader dans une forêt d'arolles. 600 à 700 ans... les patriarches devraient veiller encore longtemps : ils ont la vie dure !

Biseeeeeeeeees de Christineeeeeee

PS/ Bientôt, vous présenterai des spécimens... encore plus vieux !

nadège a dit…

magnifique cet arbre et quelle histoire, très interessant. Ta photo de montagne me fait rêver :)

lejardindelucie a dit…

Les vieux arbres sont des témoins qui portent en eux bien des cicatrices et ont surmonté beaucoup d'épreuves. Je trouve toujours apaisant de passer un moment avec eux. C'est bien difficile à expliquer. J'ai eu ainsi dans mes jardins un viel arbre qui était là bien avant moi .
Je scrute son écorce , regarde le bout de ses branches, surveille les oiseaux qui le visite , gronde les pies qui essaient d'en couper des branchettes un peu sèches pour en faire leur nid dans un pin ...sylvestre!
Ton texte est passionant!

monic a dit…

@ Christine, Nadège et Lucie
Le gratouillage au jardin a repris ces derniers jours: ceci explique mon retard à la suite de vos commentaires sympathiques.

à Christine: je me réjouis de découvrir des “patriarches” encore plus vénérables.

à Nadège: en général, les photos de montagne me font aussi rêver. Je dirais de même pour les photos de mer, mais comme je n'ai pas (encore) trouvé le moyen de raser les Alpes pour voir la mer (fantasme helvétique!), j'admire les images de ceux et celles qui vivent à proximité des grandes vagues.

à Lucie: ton message me touche en particulier car nous avons dû abattre un cerisier dont nous avons suivi avec souci son vieillissement: le pic épeiche y trouvait sa nourriture, les fourmis remontaient le long de son tronc... Oui, ce sont de grands frères...

ELFI a dit…

joli billet..très intéressant + belles photos!

Chris a dit…

Ouah incroyable ce que l'on apprend sur ton blog Monic!!! Te rends tu compte que cela fait 4 ans que l'on se suit, et, tu sais quoi, je ne me lasse pas une minute de cette rencontre, et me réjouis que tu es un jour croisé mon chemin sur ces rudes contrées Islandaises ;-) Encore un superbe message qui m'en apprend bien long sur ces magnifiques Arolle!!! Merci!

monic a dit…

@ elfi
Le thème fait le charme du billet: l'arbre inspire et réjouit les visiteurs, merci elfi.

@ Chris
Que dire ... je n'ai pas de mots après un tel com'. C'est de la belle amitié, merci Chris.