samedi 27 mars 2010

Où il est question d'une chèvre, d'un chou et peut-être d'un loup...


Il était une fois une petite chèvre ... non ! une grande chèvre !... qui savait mener le monde par le bout du nez.
D’humeur facétieuse, elle ne faisait pourtant pas trop la maligne lorsque sa maîtresse l’enfermait dans son enclos étroit bâti de l’autre côté des mangeoires des vaches. Sans doute, n’appréciait-elle pas la présence des trente autres ruminantes qui partageaient avec elle l’odeur de la paille et les longues nuits d’hiver.
Alors au matin, après l’heure de la traite, lorsqu’une troupe de jeunes humains pénétrait dans ce lieu où ... mm, mm, les relents nocturnes n’avaient pas encore été évacués ..., la grande chèvre bêêêlait de joie et de plaisir.

{Une parenthèse ici s’impose : nous sommes dans une ferme pédagogique dont les responsables (fermiers et éducateurs) accueillent deux fois par semaine des classes urbaines peu au courant des coutumes de la vie campagnarde. Pendant deux jours, les enfants découvrent les activités au potager (déterrer les légumes pour la soupe de midi), les soins aux animaux (récolter les œufs au poulailler, nourrir les lapins, apporter le fourrage au bétail et participer à la traite). Un dortoir a été aménagé pour qu’ils puissent passer la nuit à la ferme et se lever aux aurores en même temps que les fermiers}

Si la grande chèvre se réjouissait tant, deux fois par semaine, c’est qu’elle réservait plusieurs attrape-nigauds à ses visiteurs citadins.
Pendant que les enfants écoutaient attentivement les explications du fermier sur le juste maniement de la fourche afin d’éviter de blesser les vaches, notre chèvre attendait sagement qu’un enfant, sans doute lassé du discours du fermier, s’appuie contre la balustrade de son enclos. Alors, d’un vigoureux coup de mâchoire, la chèvre attrapait le col de la veste de l’étourdi (avec une mèche de cheveux si possible) et tirait, tirait de toutes ses forces. Sans l’aide de ses camarades et les cris de la fermière, l’enfant restait cloué à la balustrade car l’animal n’avait pas pour projet de lâcher sa proie. Un bout de cordon de veste entre ses dents, la chèvre nous regardait d’un air ... pour ainsi dire narquois, comme si elle venait de marquer un nouveau point à son jeu.



La chèvre n’avait pas pour habitude de rester enfermée jour et nuit dans cet enclos très étroit. Dès que les rayons de soleil gagnaient la cour et le domaine de la mare aux canards,  Madame Emilie (la fermière) lui glissait autour du cou une épaisse corde, tissée à sept brins. S’adressant aux enfants en les exhortant à être courageux et résistants, Madame Emilie confiait à trois d’entre eux, volontaires et robustes, la tâche d’accompagner la chèvre directement à son terrain de jeu autour de la mare aux canards, sans passer par le potager ! Par précaution, la fermière demandait aux autres enfants de former une chaîne devant le passage au jardin potager. Quand tout le monde était prêt, Madame Emilie comptait 1,2,3 et ouvrait la porte de l’enclos de la chèvre.
Le spectacle commençait. La chèvre, avec une rapidité qui surprenait ses trois gardiens, bondissait hors de son enclos, hors de l’étable, galopait trois fois en rond dans la cour, faisait deux fois le tour de la fontaine. Les volontaires, robustes et courageux, s’accrochaient l’un à la corde qui enserrait le cou de la chèvre, les deux autres à l’extrémité de la corde. De la chèvre, on ne voyait qu’un courant d’air poilu, des enfants on apercevait trois paires de jambes qui tricotaient à trente centimètres du sol.
Madame Emilie regardait le spectacle avec un sourire qu’elle ne dissimulait pas : deux fois par semaine (à l’arrivée d’un nouveau groupe d’enfants), la chèvre faisait son numéro de cirque, à la grande joie de ceux qui bloquaient l’entrée au potager. Pour terminer, la chèvre faisait mine de tenter une percée dans la chaîne, mais Madame Emilie veillait au grain : menaçant la chèvre d’un bâton, elle l’obligeait à pénétrer dans l’enclos de la mare aux canards pendant que les trois gardiens reprenaient leur souffle.

 «Pas vrai! Elle nous refait son numéro!»

*   *   *


Cette histoire (presque vraie) m’est venue à l’esprit lorsque j’ai réalisé des recherches sur l’expression suivante :
ménager la chèvre et le chou
Certains événements de ma sphère privée m’ont constamment renvoyée à cette expression et ont suscité des questions autour de stratégies à développer afin de maintenir des rapports sociaux cohérents. Deux sens de compréhension prévalent à l’expression “ménager la chèvre et le chou”.
Comment faire pour éviter de froisser la “chèvre” ou le “chou” ? (soit le sens du compromis)
Comment faire pour que mes intérêts personnels ne soient pas péjorés par ceux de la “chèvre” et du “chou” ? (soit le sens de l’économie)

Or, l’histoire de la chèvre de Madame Emilie me donne des indices sur une autre compréhension de cette expression. Cette fermière sait conduire les opérations, sait “faire le ménage” dans sa cour : diriger sa chèvre (dévoreuse) et protéger son jardin potager (dévoré). Toute seule, sans l’aide des enfants, elle y arriverait aussi. Elle utilise la menace du bâton pour affirmer son autorité et elle a installé un portail à son jardin.

Ainsi, dans cette expression, apparaissent réellement trois personnages : la chèvre, le chou et moi (ou vous). Il s’agit donc d’un triangle qui contextualise les rapports humains.


*   *  *


Pour terminer cet article, je vous propose une énigme où il est question d’une chèvre, d’un chou, d’un loup et d’un quatrième personnage (peut-être vous).
Vous devez faire traverser une rivière à un loup, à une chèvre et à un chou.
Le bateau est trop petit pour emmener tout le monde et vous ne pouvez en déplacer qu’un seul à la fois.
Il va sans dire que vous ne pouvez laisser seuls sur la rive le loup et la chèvre, ni le chou et la chèvre.
Quelle est l’astuce pour faire passer les trois de l’autre côté de la rivière ??

mercredi 24 mars 2010

Viens avec moi en balade...

Rien à voir avec des expressions françaises dans cet article-là.
Mais je ne pouvais pas résister à la publication de mes dernières images que j’ai prises hier en fin d’après-midi.
La météo était excellente, un temps de printemps : chaleur douce et vent absent, un véritable anticyclone.




Nous avons comme rituel printanier de rendre visite à quelques lieux enchanteurs, presque sauvages et déclarés réserves naturelles.
Le premier endroit est une forêt unique dans la région : elle possède un tapis de sous-bois de couleur jaune, des jonquilles rustiques.
Pour les admirer, le bouche-à-oreille entre connaisseurs et sympathisants de la fleur pascale fait office de rumeur : «Elles sont déjà bien avancées !» À cet avertissement, rien ne sert de tarder. Une semaine de trop, quelques jours de pluie et la magie jaune disparaît dans la grisaille.




À la lisière du bois, un battement d’ailes nous interpelle. Le papillon se pose sur une branche sèche. Sans trop y croire, j’arme mon appareil. Une photo, peu importe la distance, vite-vite,  pour mieux l’identifier plus tard. Le papillon ne bouge pas. Fonction macro. Je crois le reconnaître, mais je doute car je n’en ai jamais vu de semblable. La papillon change de support. Il ne va pas très loin. À l’observer de plus près, il ne semble pas de toute première fraîcheur (si on ose parler ainsi d’un papillon). Il ne bouge toujours pas. Je continue à le “portraitiser”. Je trouve quand même que c’est un peu trop facile : à hauteur des yeux, le soleil couchant dans mon dos, pas de vent ...




Dites-moi :
Est-ce bien le Robert-le-diable ? 2e génération 2009 ?
Il a hiberné par —15°, il peut bien être un peu éprouvé.

dimanche 21 mars 2010

Le printemps du côté de chez Maurice Carême


Le printemps reviendra

Hé oui, je sais bien qu’il fait froid,
Que le ciel est tout de travers ;
Je sais que ni la primevère
Ni l’agneau ne sont encore là.

La terre tourne ; il reviendra,
Le printemps, sur son cheval vert.
Que ferait le bois sans pivert,
Le petit jardin sans lilas ?

Oui, tout passe, même l’hiver,
Je le sais par mon petit doigt
Que je garde toujours en l’air.

N’entends-je pas frémir en moi
Un pré naïf et recueilli
Autour de son clocher fleuri ?



Maurice Carême, En sourdine, Ed. du Verseau, Bruxelles, 1964.
Fondation Maurice Carême






 Dicton:

Pluie de printemps
C’est du beau temps

jeudi 11 mars 2010

Holà, les “cordons bleus” de la blogosphère!

 



Chez vous, je fais mon marché chaque jour et je viens y récolter des idées toutes plus savoureuses. En ce moment, mes goûts vont aux crèmes de légumes, soupe de lentilles et... muffins, pour le grand bonheur de ceux qui dépendent de ma bonne volonté culinaire !

Si vous tenez à jour un blog de recettes de cuisine, c’est que vous aimez cuisiner et partager votre gourmandise, que vous appréciez dans les yeux de vos convives leur plaisir de déguster votre belle oeuvre. L’artiste ne sommeille plus en vous, il exulte car en définitive, avec l’expérience, vous vous accomplissez dans ce lieu où personne ne doit pénétrer lorsque vous y opérez. 

Cet artiste, devenu “cordon bleu”, se réalise dans sa créativité et continue de se perfectionner en modifiant ses recettes ou en allant à la découverte d’autres suggestions. Être un “cordon bleu” ne relève pas simplement du nourrissage de son entourage. Cette qualification signifie la reconnaissance de grandes compétences culinaires, d’un savoir-faire exceptionnel. Elle est la considération la plus élevée d’un cuisinier (ou d’une cuisinière) professionnel ou amateur éclairé!

Un peu d’histoire tout de même.
Sous l’Ancien Régime, le cordon bleu était l’insigne des chevaliers du Saint-Esprit, «un ordre institué en 1578 par Henri III pendant les guerres de religion afin de regrouper les principaux chefs du parti catholique contre les protestants.» De l’aristocratie à la cuisine, il n’y a qu’un pas ... que franchirent quelques seigneurs porteurs du cordon de l’ordre lorsqu’ils prirent soin de se réunir pour «cultiver l’art du bien-boire et du bien-manger.»
L’insigne du cordon bleu fut remplacé à la Révolution française par la Légion d’honneur. Pas moins !
Et de nos jours, la distinction de “cordon bleu” s’est transmise des nobles gourmets aux fins limiers et préparateurs de la gastronomie.

(Sources : Claude Duneton, La puce à l’oreille, Stock, 1978)

Quelle magnifique origine pour cette expression, mais attention, chers “cordons bleus”, que cela ne vous monte pas à la toque !

PS Qu’est-ce qu’on mange demain ?