jeudi 10 mars 2011

Ballade pour un arbre



Je ne pensais vraiment pas qu’un jour tu disparaîtrais de mon horizon.
Lorsque je sortais sur la terrasse, mon regard immanquablement se dirigeait vers toi. Au petit matin, le soleil se levait derrière tes branchages.
Le pic épeiche t’avait adopté comme relais pour passer ensuite dans le verger voisin.

Quelques pas dans l’herbe encore humide de rosée.

J’aimais ton large tronc sur lequel grimpaient fourmis et lierre. La main caressante sur ta peau rugueuse, je faisais lentement le tour de ton espace.
Tu apportais un peu trop d’ombre aux buissons de bleuets qui se tordaient le cou à vouloir capter quelques rayons de lumière. Mais est-ce que j’avais le droit de t’en vouloir. Tu étais né bien avant eux, toi le centenaire !




Adossée contre ton flanc, il m’arrivait de poursuivre le mouvement de ton feuillage dans la brise du soir. Les cerises, trop haut perchées, étaient devenues inatteignables : seuls les étourneaux pouvaient s’en régaler éperdument.
Après chaque hiver, on voyait une de tes branches se sécher d’épuisement.

Dernières traces de bottes dans la neige.

Enfin, il a fallu prendre une décision. Non, ce n’était pas de gaîté de cœur, tu penses, D’abord quelqu’un a proposé d’enlever tes branches dangereuses, en pensant que le tronc pourrait encore accueillir le grimpereau. Mais quelle allure après une vie de majesté, amputé de toutes parts, ce n’était pas une fin digne d’un arbre-roi.



Pluie, brume et bruit de tronçonneuse.

On n’a pas eu le choix d’un temps magnifique pour le rituel de ton abattage : une pluie fine s’est glissée sur ton écorce au milieu de la matinée. Je n’ai pas eu le courage d’assister à ta “mise à mort”. Du fond de ma cuisine, j’entendais le bruit de la tronçonneuse qui devait te faire plier définitivement.

J’ai recueilli une dernière branche garnie de boutons floraux et je l’ai installée dans la véranda : le pied dans l’eau, elle nous offrira encore tes dernières fleurs blanches. Pour Pâques peut-être...

12 commentaires:

Chris a dit…

La voilà la dédicace à ton arbre centenaire tant attendue! C'est bien dommage oui que tu es du lui dire adieu, mais comme on dit toutes les bonnes histoires ont une fin, et il avait vécu! Tu te sentiras plus en sécurité, même si c'est au prix d'une lourde séparation!

laurent Debordes a dit…

peut être le remplaceras tu par une belle descendance , un arbre jeune et vigoureux qui t'apporteras et apportera longtemps tout ces plaisirs que tu a connu avec son prédécesseur ...

nadège a dit…

les uns meurt,d'autres naissent c'est la perpétuelle condition des êtres vivants, nous avons eu le même souvenir d'un tilleul mais qui pour le coup nous faisait trop d'ombre car planté bien devant la façade, quand on sait l'ampleur de l'arbre...mais un massif avec des arbustes est apparu, le renouveau...:)

Oxygène a dit…

C'est triste la mort d'un arbre. Je n'ai jamais aimé les voir abattus... Ton texte rend un superbe hommage à ce vénérable cerisier.
J'espère que le pic épeiche trouvera vite un nouvel abri et que la branche fleurira sous ta véranda.
Ton texte est très beau Monic. Bravo et belle journée à toi !

Cathy Bernot a dit…

Belle et triste ballade pour un être qui t'a mille fois promenée dans le dédale de ses branches. Je compatis sincèrement: les arbres ont une mémoire gravée au coeur de leur bois, et sont des compagnons de voyages, qu'il s'agisse de voyages intérieurs ou qu'ils balisent nos routes.
Qui sait si pas très loin, un noyau de cerise porté par un oiseau n'a pas déjà entrepris de faire renaître un peu de ton arbre?
Amitié

Christineeeee a dit…

Triste sort en effet
Que la fin de ton arbre
Découpé en tronçons...

Ceci me rappelle la fin des énormes arbres abattus l'année passée à Montlaur : plusieurs jours à des professionnels pour en venir à bout... C'est triste et en même temps nécessaire, car s'ils étaient tombés sur la maisonnettes construite à côté, cela aurait fait d'énormes dégâts.
Te souviens tu ? C'était là :

http://christineeeeeeee.blogspot.com/2010/01/la-fin-de-larbre-geant.html

Biseeeeeeeeeees de Christineeeee

Zipanu a dit…

Grand témoin de la persévérance de la fragilité végétale qui se transforme en force, l'arbre abrite une âme avec laquelle l'on peut très vite s'attacher belle preuve de complicité que cet hommage.

lejardindelucie a dit…

Un bel hommage à ce compagnon avec qui vous vez tant partagé. Peut être fera tu comme moi et gardera un morceau de son bois au coeur souvent si délicat.
C'est l'éternel cycle de la vie, les uns laissent la place et d'autres vont en profiter!
Bonne fin de semaine.

monic a dit…

MERCI
à Chris,Laubaine, Nadège,Oxygène, Cathy,Christine, Zipanu et Lucie,

POUR VOS SYMPATHIQUES COMMENTAIRES.
Ils complètent à merveille le ressenti suggéré par mon message.

A vos paroles il n'y a rien à ajouter, juste à saisir un moment de méditation.

A bientôt.

Foise a dit…

Il a lui aussi plein de choses à te dire et je sais que tu sauras les entendre lorsqu'il crépitera dans ta cheminée... J'imagine qu'il a gardé dans les couches de ses fibres le souvenir de nombreux évènements de ta vie !

willow(isa) a dit…

il m'est arrivé de pleurer pour l'abattage d'un arbre, ou durant mon adolescence d'avoir l'impression d'un cri animal avant de me rendre compte qu'on supprimait de vieux cyprès...je n'oublie pas ces cris, je me dis que si j'étais obligée d'en abattre un, il faudrait que je garde le tronc en terre ou pas et que je le sculpte en fauteuil ou totem ou animal pour lui donner une seconde vie .
Très beau post

monic a dit…

@ Foise et willow(isa)

Un grand merci à toutes deux: c'est sympathique de réaliser que des expériences semblables peuvent être partagées.
Les fleurs de la branche ont éclos dans la véranda: elles ne seront pas fertilisées par contre. C'est le dernier témoignage du “vieux”.
Nous avons conservé quelques billes, des grosses branches. Lorsque elles auront bien séché, dans deux ans (!), nous les débiterons en rondelles et les offriront à tous ceux qui ont pu goûter aux cerises.

A willow: le vieux n'a pas crié, son tronc était vraiment en mauvais état, tout fusé à l'intérieur, comme de la mie de pain.