vendredi 15 octobre 2010

Derrière les carreaux...



... une ombre s’efface et les rideaux retombent avec légèreté.

Sous ses paupières à demi fermées, le passant a senti un regard inquisiteur et méfiant.
Il ne fait pas bon s’aventurer de ce côté lorsqu’on est l'«étranger».

Il vient pourtant du village voisin, celui que chacun peut atteindre à condition de franchir la rivière par le pont des amants noyés.
Sombre histoire. Un gars du village de l’est avec une fille du hameau de l’ouest : ils s’aimaient.
On les a retrouvés à trois kilomètres en aval, leurs corps accrochés aux branches du rivage. Un accident, ou un homicide.
Depuis le drame, les habitants des deux villages ne se parlent plus. La douleur et la souffrance les ont tous éloignés dans la peur, dans la méfiance vis-à-vis de l’autre. La rivière, pourtant si belle, forme une frontière mentale au-delà de laquelle l’espace est synonyme de danger.

Derrière les carreaux, de part et d’autre du pont des amants noyés, chacun se tient à carreau : homme, femme et enfants sont sur leur garde. 
Redoutent-ils un acte de vengeance ou se préparent-ils à une expédition punitive ?
Au pays des arbalètes, les flèches, appelées aussi carreaux, sont toujours affûtées.

18 commentaires:

Chris a dit…

Te voilà de retour ;-) tes messages se font rares, mais sont toujours aussi instructifs... Bisous du pays de la pénombre ;-)

Cathy B a dit…

Les amants maudits... Un thème que tu déclines à merveille. Il me vient à l'esprit des carreaux qui parlent d'amour sans haine ni agressivité: les petits carreaux vichy de la robe de mariée d'une certaine BB.
Bon week-end

monic a dit…

@ Chris
Le “syndrome de la page blanche” me guette parfois: la raison de la rareté de mes messages. Ou peut-être un début d'hibernation avec la recherche d'un terrier pour me cacher...

@ Cathy
La littérature ainsi que les fantasmes des auteurs privilégient davantage les amants maudits. Mais les carreaux Vichy, cela fait très “vintage”, un style bien post-chronique.

Plantine a dit…

Et cette branche en travers de la fenêtre pour bloquer les volets ; comme une invitation ... à ne pas entrer !
Si on savait tout ce qui se passe derrière les rideaux qui bougent !
Les amours contrariées sont toujours magnifiques.
Serais-tu ascendant Ours ? ce qui expliquerait cette envie d'hiberner. J'avoue que moi-même, si je pouvais, ça me tenterait bien tant je déteste l'hiver.
Bon dimanche à toi.

Josée Roy a dit…

Bonjour chère Monic, que c'est agréable de te retrouver surtout après la course folle de l'automne; des travaux extérieur et intérieur.
Comme toujours tu m'apprend l'expression derrière les carreaux qui n'est pas utilisé chez nous par contre se tenir à carreau est couramment employé, serait-ce parce que nous sommes un peuple méfiant?? Je ne pense pas.

Je te souhaite une belle semaine.
Josée Bisous

monic a dit…

@ Plantine
D'accord avec ton impression concernant la branche: une façade blanche (grise ici à cause du manque de luminosité), une fenêtre toute simple, une matière noble –le bois—, et le détail qui suggère que tout n'est pas parfait. Bien vu, merci.

PS ... plutôt ascendant “marmotte”!

@ Josée,
Ravie que tu connaisses un peu de répit...avant la préparation de la période de Noël!
L'expression citée est bien “se tenir à carreau” comme au Québec. Le titre de l'article introduit simplement le texte.
Je précise encore que le mot “carreau” fait référence à la flèche de l'arbalète qui est,comme tu le sais, une arme de guerre. D'où une expression quelque peu différente: «tenir quelqu'un à carreau = le tenir au bout de son arbalète».

lejardindelucie a dit…

Je me suis souvent sentie étrangère dans mon monde.Parfois ce n'est ni la langue ni le physique qui vous éloigne des vôtres.Oser simplement être différent, ne pas suivre le même chemin que celui que l'on vous a tracé.
Ton message fait revivre ces sentiments!
C'est sans doute pourquoi je me sens si bien dans la nature.Parler aux rainettes ou au merle qui cherche ses vers de terre, être ébahie devant la beauté ou l'étrangeté d'un insecte, là où il n'y a personne pour décocher une flèche, là où règne une harmonie que je souhaiterais voir s'établir entre les humains! Pure Utopie! Mais je continue à rêver!
Bonne semaine à toi.

nadège a dit…

une histoire bien triste ma fois...

monic a dit…

@ Nadège,
... triste comme dans beaucoup de romans et de nouvelles.
En écrivant ce texte, j'ai pensé au couple d'amoureux qui avait été tué sur un pont par des snipers durant la guerre de Bosnie.

Foise a dit…

J'ai lu ce texte, j'ai besoin de temps pour m'exprimer... A+

Christineeeee a dit…

Une histoire qui commence par ombre carreaux, rideau... Et triste fin...
pour ton conte...
Je préfère me tenir loin du carreau, à regarder voler le rideau !

(héhéhéhéhé !)

Biseeeeeeeeeeeees de Christineeeeee

monic a dit…

@ Lucie
(Excuse-moi, je n'ai pas vu ton com'tout de suite.)

Je suis très touchée par ton commentaire personnel.
Je relève deux mots qui m'interrogent: harmonie et utopie.
L'harmonie dans le monde des insectes, comment la définis-tu, lorsque l'un croque l'autre?
L'utopie, si on se sert de sa définition générale, s'applique à un projet dit impossible à réaliser.
Ma question: l'harmonie entre êtres humains est-elle vraiment impossible? En principe, à l'intérieur des sociétés humaines,“l'un n'aurait pas besoin de croquer l'autre”.

@ Foise,
A plus tard, prends ton temps.
En relisant mon texte, je m'aperçois que malgré le peu de caractères utilisés, il est lourd de sens.

@ Christine,
... la peur de la flèche, n'est-ce pas?
Prudence, prudence...
Merci pour ton passage.

Foise a dit…

Oui comme tu dis Monique il est lourd de sens...
Chaque mot pèse son poids et fait monter une sensation oppressante... Au moment où j'ai découvert ton message l'affaire Gregory refaisait surface... Sur les bords de la Vologne la suspicion devait ressembler à ce qu'évoque ce texte...
On est toujours l'étranger de quelqu'un et réciproquement... C'est dans la nature humaine. S'exclure de ce processus, penser que l'on possède l'empathie universelle... L'ouverture totale aux autres... relève du mensonge fait à soi-même... ou de la mauvaise foi,
Guetter son voisin derrière les carreaux se fait peut-être moins, mais il existe d'autres moyens de jauger, juger, blesser, rejeter ceux qui l'on estime "différents" : internet par exemple !...

monic a dit…

@ Foise,
Je te remercie pour tes réflexions qui vont enrichir mes moments de méditation quotidienne.
Je te ferai part ultérieurement et ailleurs de ce qui en rejaillira.

un peu de tout a dit…

Bonjour Monic , tout simplement j'aime bien cette petite fenêtre ,elle est superbe...
Merci et douce journée.
Thérèse.

monic a dit…

@ Thérèse d'”un peu de tout”
La fenêtre a été photographiée à Ballenberg. Ce musée en plein regorge d'endroits captivants pour la photo.
Merci pour ton passage.

Zipanu a dit…

Internet n'a pas le pouvoir de changer la nature humaine, et nous sommes parfois acculés à ce média comme les bigourdans en australie.
L'internet le continent de l'opium, des pirates et des nantis, où est le progrès là-dedans, la crise est-elle économique ou humaine ?
Chacun regarde à travers ses "windows", il n'y a plus personne sur les terres.
Nous sommes les maudits.

monic a dit…

@ Zipanu
Il est étonnant de constater comme toute image peut suggérer par analogie diverses réactions. Ton com' ajoute une perception à laquelle je n'avais pas songé. Je te remercie de confier sur cette page ton impression personnelle suscitée par la photo.
Je partage ton idée sur l'effet addictif d'internet lorsque tu oses parler d'opium. D'ailleurs, n'y a-t-il pas, dans ton propos, référence implicite à une citation d'un grand personnage marxiste: «La religion est l'opium du peuple»?
D'où la question suivante: Internet est-il une religion?