... et si fondante dans la bouche,
... et si délicieuse sur la langue !
Au jardin d'Odile
Elle se laisse cueillir à l’arbre, non sans résistance : il faut la tourner délicatement dans la paume afin que la tige lâche. Gare aux impatients, sa peau éclate et sa chair se répand le long du poignet.
J’ai fait l’expérience — une première — d’un magnifique goûter sous un figuier : je sentais la chaleur du soleil qui continuait ce jour-là à mûrir les fruits que les guêpes se disputaient.
Je n’ose pas avouer le nombre de figues que j’ai mangées l’une après l’autre. La première dans le panier, la suivante dans le gosier, et ainsi de suite.
Comme Eve de la Genèse, j’adore me servir des “fruits du paradis” volés directement à l’arbre. Rien ne m’arrête, je suis de la caste des “chasseurs-cueilleurs” même si la première fonction ne m’a pas été enseignée. Il me peine de voir languir les fruits dans un plat, aussi artistique soit-il.
La figue, que j’ai détestée durant mon enfance, représente maintenant LE fruit par excellence : celle qui est petite, dont la peau a la couleur aubergine, possède des grains si fins, bien enveloppés dans la chair, qu’on ne les sent pas dans les dents. Il suffit d’écraser le fruit croqué contre le palais et il s’écoule voluptueusement dans la gorge.
Je parle de la figue mûre ; j’exclus toutes celles que l’on trouve dans les supermarchés, encore vertes, cueillies trop tôt pour cause de transport, et qui sont dépourvues de parfum. Leur vue sur l’étalage me laisse à chaque fois mi-figue mi-raisin car ma gourmandise se traduirait par une mauvaise plaisanterie si je me laissais tenter.
Le souvenir d’un “fruit du paradis”, maraudé un soir d’été dans un verger ensoleillé du sud, ne peut plus se transformer en sensation désagréable devant l’insipidité d’une chair immature !
À force de penser, de rêver “figue”, je viens à me demander d’où est née cette expression si courante dont même les chroniqueurs sportifs se mettent à abuser parfois. Par exemple :
«Roger Federer à l’US Open : un parcours mi-figue mi-raisin !»
On pourrait se contenter de définitions glanées d’un dictionnaire à un autre, comme :
«à la fois agréable et désagréable»
« ambigu, mitigé»
«qui présente deux attitudes opposées»
« en même temps, du sérieux et une plaisanterie»
« ambigu, mitigé»
«qui présente deux attitudes opposées»
« en même temps, du sérieux et une plaisanterie»
Ma curiosité a été satisfaite lorsque j’ai appris que deux explications, s’appuyant sur l’historicité de l’expression “mi-figue mi-raisin”, mentionnaient la raison de la référence aux deux fruits: la figue et le raisin.
Vignes de Calvisson
Première source :
Durant le Carême, il était permis de consommer des fruits. Or, la période précédant Pâques n’est pas riche en fruits frais. Les réserves ménagères conservaient des raisins secs, coûteux et appréciés, ainsi que des fiches séchées, bon marché mais peu aimées par les gens.
Cela confirme mon souvenir désagréable d’enfance !
Ainsi l’équation {«mi-figue» = désagréable ; «mi-raisin» = agréable} peut se comprendre plus aisément. CQFD
Deuxième source :
Au XVe siècle, le commerce sur la Méditerranée était intense. Corinthiens et Vénitiens pratiquaient un échange continu de marchandises.
Les premiers livraient aux seconds, entre autres, des raisins et des figues. Habiles marchands, les Corinthiens mêlaient des figues, plus lourdes, aux raisins.
La satisfaction des Vénitiens ne pouvait être que mitigée.
Cette dernière explication n’est toutefois pas avérée : elle pourrait être assimilée à une légende.