mardi 22 décembre 2009

Pour les enfants, petits et grands, un conte de Noël qui sent bon ... le fromage!



Mon p'tit rat de bibliothèque


L'oncle Reblochon
(conte de Noël)
écrit par Vincent Massard qui m'a autorisé à le diffuser sur ce blog 

Furetant dans la cuisine, Parmesan, le jeune souriceau, reniflait, la moustache en bataille, vibrante sous les diverses odeurs :
−    Bon sang ! s'écria-t-il, ou je ne m'y connais pas ou je sens un délicieux parfum de gruyère !... À moins que ce ne soit du jura, non ! C'est du gruyère, et même du gruyère de l'Étivaz !

Personne de son entourage ne pouvait le prendre en défaut : sa connaissance des fromages était sans conteste une des meilleures de toute la famille, à l'exception, bien sûr de l'oncle Reblochon, ce vieil original que l'on appelait à chaque fois que, parmi les souris, il y avait un problème à résoudre, un conflit à apaiser. Car Reblochon avait une grande réputation de sagesse et une autorité naturelle qui faisait que, chaque fois qu'il proposait une solution, car il ne faisait jamais que la proposer, personne ne la discutait, chacun se ralliait à son avis. Grâce à lui, dans la ferme, les souris vivaient en harmonie.

Fier d'avoir identifié le fromage, tant par vanité que pour le plaisir de montrer à son oncle que ses leçons n'avaient pas été perdues, Parmesan, avant de reprendre son expédition, alla au trou où vivait Reblochon lui annoncer sa découverte.
−    Allons voir ça, dit l'oncle du ton bourru sous lequel il masquait son affection pour ce neveu.

Lorsqu'ils arrivèrent dans la cuisine plongée dans l'obscurité de la nuit, Parmesan, tout excité dit :
−    Tu sens, n'est-ce pas ? L'Étivaz, n'est-ce pas ?
−    Chut ! Tais-toi. Laisse-moi me rendre compte... Oui, l'Étivaz, mais, il y a autre chose...
−    Autre chose ?
−    Oui, ce morceau de gruyère a été bizarrement touché. On sent le contact humain. Comme si on avait pris un peu de fromage pour en faire une boulette. Et tu sais ce que ça signifie...
−    Tu crois ?
−    Danger ! Ça peut être un piège, allons voir, mais prudence !

Les deux rongeurs progressaient dans le noir. Les phares d'une voiture qui passait sur la route éclairèrent un moment les lieux. Les deux souris eurent le temps de distinguer une cage au milieu de laquelle un petit cube de fromage avait été placé.

−    Oh ! Le beau morceau ! Allons-y !
−    Stop ! Malheureux ! Tu es, comme moi d'ailleurs, bien trop jeune pour mourir !
−    Qui parle de mourir ? Tu vois bien qu'il n'y a pas de ressort qui viendrait nous tuer comme cela a été le cas de ce malheureux cousin Cheddar !
−    Tu crois ça ? Eh bien tu vas voir ! Ne bouge pas et laisse-moi faire !

L'oncle Reblochon saisit entre ses dents un fétu de paille qui avait dû tomber d'un soulier du paysan et, armé de lui comme d'une lance, il le glissa entre les barreaux de la cage pour toucher le morceau  odorant. À peine le fromage avait-il été effleuré qu'on entendit le claquement de la porte qui se referma brutalement.
−    Tu vois ce qui te serait arrivé si tu t'étais approché de ton gruyère de l'Étivaz ? Bonsoir Parmesan, je vais me recoucher. Il y a des fromages que je n'échangerais pas contre ma liberté !
−    Mais mon oncle ! Je suis sûr qu'il y a moyen de manœuvrer cette maudite porte, d'entrer, de prendre le fromage et de partir ni vu ni connu...

Il n'avait pas fini cette phrase que Parmesan s'aperçut qu'il était seul, Reblochon avait déjà fait demi-tour et, après avoir ramassé quelques miettes qui traînaient sous la table et une cornette molle à laquelle adhérait un peu de gruyère râpé, il était rentré dans sa tanière manger son butin à son aise.

Parmesan, quant à lui, décida de ne pas se donner pour battu. Si la porte de la souricière pouvait se fermer, elle devait aussi pouvoir s'ouvrir. Ce n'était pas seulement une question de gourmandise, c'était surtout pour montrer à son oncle que les souriceaux de sa génération étaient bien plus malins que les vieilles moustaches du passé. Il agrippa  le fétu de paille entre ses incisives et tenta de le glisser sous la porte de la trappe. « Donne-moi un levier et je soulèverai le monde! » pensait-il en s'affairant contre le mécanisme. La grille se souleva légèrement, il glissa une patte et le bout de sa queue et , peu à peu, il fit remonter la porte basculante jusqu'à pouvoir se glisser dessous. Un petit saut, pendant lequel il entendit vaguement le claquement métallique de la cage, et il atteignit le cube de fromage auquel il ne trouva pas autant de plaisir qu'il s'y attendait : l'odeur humaine gâchait le goût.
−    Comme je suis entré, je vais ressortir...

Parmesan ne se doutait pas qu'il avait péché par optimisme. Le fétu qui servait si bien de levier d'un côté, refusait tout service : l'angle d'attaque n'était pas le même et, après usage, la paille s'était assouplie au point de ne plus pouvoir supporter l'effort de soulever la grille. Avec ses pattes, sa queue, ses griffes, il lutta contre l'implacable mécanisme, en vain. Épuisé, il s'assoupit et tomba dans un mauvais sommeil où il rêva qu'il naviguait sur un radeau hâlé par de gros rats et, la rivière étant peu profonde, l'embarcation frottait contre les galets du fond....

Quand il reprit ses esprits, il se vit dans la cage qui n'était plus dans la cuisine, mais dans la grange. Au lieu de la redoutable présence humaine, c'étaient ses parents, ses frères et sœurs. L'oncle  Reblochon  donnait des ordres. Il y avait aussi le petit cousin Bel-Épi, rat des moissons qui, au contraire du reste de la famille, savait tresser la paille pour faire son nid et que Reblochon avait envoyé chercher pour la circonstance. Sur son ordre, l'artiste avait attaché deux liens aux deux coins de la cage opposés à la redoutable bascule et les autres avaient tiré la cage hors de la dangereuse cuisine.

−    Alors, tu es réveillé ? Ça tombe bien, il va falloir que tu te prépares à faire le grand saut : Nous allons tirer la cage vers le haut, le long de ce tas de foin. Quand elle penchera assez, la porte basculera et tu pourras sortir !

Aussitôt dit, aussitôt fait. La trappe penchait de plus en plus, Parmesan n'en menait pas large, mais, peu à peu, la grille s'inclinait, s'éloignait du plancher du piège. Soudain, il glissa, sa tête heurta la porte qui s'ouvrit et il se retrouva couché dans le foin. Les souris lâchèrent les liens et, dans un bruit de ferraille le piège s'écrasa à côté du souriceau tout étourdi de sa chute.

−    Plus de peur que de mal ! s'écria l'oncle Reblochon. Je pense que la prochaine fois, tu suivras mieux mes conseils !
−    Mais...
−    Pas de mais ! Tu te demandes comment on a pu te tirer de ce mauvais pas. C'est tout simple, je me suis souvenu de comment j'étais à ton âge. J'ai donc pensé à ce que tu allais faire et je ne me suis pas trompé. Aussitôt que je t'ai vu dans la cage, j'ai appelé les autres : la famille ça sert ! Non, ne me remercie pas ! Ou plutôt si, en retenant deux leçons : d'abord de ne pas négliger les conseils des anciens et ensuite qu'il faut toujours aider les autres quand c'est possible. Aujourd'hui, ils t'ont aidé, demain ce sera toi qui les aideras...

Copyright :
«L’oncle Reblochon» , conte écrit par Vincent Massard (15 décembre 2009) .
On peut le copier, le diffuser sans le moindre changement et sans omettre le nom d'auteur. Merci de respecter les exigences de l’auteur.

Pour des informations plus détaillées sur l’utilisation de photos et de textes, veuillez consulter les pages de Cathy.

14 commentaires:

Chris a dit…

Superbe ce conte!
Je viens te souhaiter de bonnes fêtes de fin d'année et te dit à bientôt en 2010...

monic a dit…

Merci Chris,
Bonnes fêtes chez toi également: beaucoup de joie autour du sapin (s'il y en a en Is.).

laurent Debordes a dit…

une histoire et une morale sur le respect des anciens qui savent et une
leçon de solidarité en ces temps de noel ne peux que nous pousser a reflechir sur nos actions et pensée de l'année ...
Je te souhaite de bonnes fêtes de fin d'années
merci de tout ces mot que tu as fais virevolter sur ton blog , pour que chacun en attrape un bout et se puisse se mettre a reflechir sur leur signification reelle ...
A bientot :)
laurent

monic a dit…

Merci Laurent,
Ton commentaire me touche. Il ne m'est pas toujours facile de percevoir si le contenu de mes messages atteignent dans leur sensibilité les visiteurs qui passent par là.
A bientôt.

Josée Roy a dit…

Bonjour Monic, je me suis délecté de ce texte, un gros merci de l'avoir partagé et un merci spécial à l'auteur.
Je te souhaites de passer de très Joyeuses Fêtes et une très belle année 2010. Grosses bises et au plaisir de se revoir.

Josée xx

lejardindelucie a dit…

Je viens de lire avec grand plaisir ce conte!
Je le vois le petit Parmesan plus malin que le vieux Tonton Reblochon! Pas fier une fois pris au piège! J'aime ces histoires qui parlent aux petits et aux grands!
Pas de gruyère au menu ce soir ! Nos petits curieux ne seront pas tentés, mais sur sur la terrasse il y a bien des graines qu'ils savent trouver!
Cette lecture m'a redonné un goût d'enfance juste avant la fête de Noël! Merci!

Marithé a dit…

C'est un joli conte de Noël avec une morale:écouter les conseils des anciens et en ce temps de Noël une bonne leçon d'entraide
Joyeux Noël Monic

Christineeeee a dit…

Ah, la bonne histoire
De souris, de fromage,
De cage folle,
De porte qui se coince
Qui tombe, qui s'ouvre enfin,
Avec de l'action,
Avec de l'émotion,
Avec de la gourmandise
Et une morale à toute épreuve !

Bon, m'en vais aller manger...
Un reste de fromage...
Sur la table de la cuisine !
Mais je vais vérifier les portes,
Pour ne pas rester coincée !

Biseeeeeeeeeeees de Christineeeeee

Et bonnes fêtes de fin d'année !

Zipanu a dit…

Sympa ce partage.
Bonnes et joyeuses fêtes.

Vérone a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Vérone a dit…

Très chouette ce texte !

Et puis le petit ras ( je l'avais vue souris ... lol ) sur l'étagère j'aime beaucoup.
Bonne Fêtes de fin d'année
Vérone

monic a dit…

@ Josée, Lucie, Marithé et Christine

Désolée pour le retard, mais j'avais à faire, devinez quoi: le sapin, la crèche, les derniers biscuits et un peu de repos pour être en forme.

Je suis ravie que le “Reblochon” vous ait plu. Oui, Josée,je transmettrai vos remerciements à son auteur, s'il ne vient pas de lui-même lire vos commentaires.

Les contes animaliers nous parlent parfois davantage, et comme tu dis Lucie, ils nous rappellent notre enfance au moment où on comprenait mieux les messages par animal interposé.

Noël, fête de la solidarité, Marithé, on a tendance à l'oublier lorsque l'on se retrouve en cocon avec sa petite famille.Une amie, âgée mais rassurée d'un message qu'elle venait de recevoir, me disait justement que dans toute fête de Noël réussie il fallait la présence d'au moins une personne âgée.

Les bons “petits” repas de Noël, et pas seulement le fromage, sont la cause d'un tel embonpoint que l'on ne peut plus passer dans le cadre de la porte... enfin presque. N'est-ce pas Christine?

Merci pour votre passage et Bon Réveillon de Nouvel An à tous et toutes!

monic a dit…

@ Zipanu
J'ai été émerveillée par ce conte et il me fallait vous le montrer, avec la permission de notre ami Vincent.

@ Vérone
Souris, rat, rat, souris...
J'ai nommé ma petite peluche “Rat de bibliothèque” parce qu'elle passe son temps à lire et relire mes livres préférés. Mais il s'agit bien d'une souris.

Merci pour votre visite et à tous deux je vous souhaite également un Bon Réveillon de Nouvel An.

Vérone a dit…

;-)