mardi 26 mai 2009

P comme “Pastis”, la chatte voisine qui se lève “dès potron-minet” et s’invite dans notre jardin...
























Que je vous présente cette grand-mère féline !

Elle doit certainement attendre depuis l’aube derrière la porte de ses maîtres. Je ne l’entends pas miauler car elle est assez discrète dans la maison. À son âge, elle a ses habitudes. L’une d’entre elles consiste à faire le tour de la maison dès qu’elle en a la permission (elle peut sortir si un de ses maîtres est présent). Lorsque la température est encore fraîche, elle s’aventure plus loin en traversant la petite route qui mène au quartier. Après sa première expédition, elle s’installe sur le capot d’une voiture. De son perchoir (qu’elle utilise de préférence dès l’automne, quand le sol se refroidit), elle observe les enfants qui se rendent à l’école.
Durant cette dernière période de grande chaleur, elle vient se camoufler sous le feuillage de mes hémérocalles. Elle sait maintenant (à force de réprimandes) qu’elle ne doit pas se coucher sur les plus petites plantes qui peinent déjà à se défendre contre les attaques de limaces.
Lorsque la porte-fenêtre de la cuisine est ouverte, elle entre en miaulant. Comme c’est une chatte, je dis qu’elle miaule. En fait, elle parle. Je ne comprends pas ce qu’elle me dit, mais je suis sûre qu’elle s’exprime. On échange, chacune à notre façon : «Bonjour. Comment vas-tu ? Il fait chaud ce matin. Je fais un petit tour chez toi. D’accord, mais pas sur les lits, bien entendu... etc. ». C’est notre petit rituel de rencontre, une parole, une caresse, trois petits tours et puis s’en vont.

Au début de notre fréquentation, je n’appréciais pas beaucoup ses miaulements. Mais on s’est aperçu dans la famille que cette chatte comprenait très bien ce qu’on lui disait... à condition qu’on prenne le temps de lui expliquer, par exemple, qu’il est encore trop tôt pour elle de s’engouffrer dans la cage d’escaliers pendant qu’on lève le courrier de la boîte aux lettres. Aujourd’hui, je m’entends bien avec elle. Enfin, sauf sur un point : je n’aime pas la voir chasser les oiseaux. Mais à ce sujet, elle devient complètement indifférente à mes remarques !

J’aime les chats.

L’expression dès potron-minet a un lien avec la caste de nos amis domestiques. Elle a le sens de «dès que le chat montre son derrière», c’est-à-dire «dès le lever du jour».
Minet désigne bien entendu le chat et potron vient du latin posterio (= cul).
En Normandie, on dit dès potron-jacquet, «dès que l’écureuil montre ses fesses».

(tiré de Les expressions de nos grands-mères, de Marianne Tillier)

jeudi 14 mai 2009

F comme fleurette (c’est bien parce qu’on est au mois de mai !)



Savez-vous “conter fleurette” ?














Ah, bien sûr, l’expression est devenue ringarde et plus personne ne l’utilise. Elle paraît trop ... “fleur bleue”, sentimentale et désuète.
Que dites-vous ou que faites-vous aujourd’hui pour évoquer et signifier la beauté ou le charme d’une personne que vous découvrez d’un regard nouveau ?
Mesurez votre pensée et faites attention aux paroles que vous prononcez ou aux gestes que vous tentez, sinon vous serez vite dénoncés pour harcèlement sexuel...

Mais restons pour un court moment un peu ringards, un peu vieux jeu et réapprenons à conter fleurette, comme au XVIe siècle en volant de fleur en fleur.
Dans le Feuillu, tradition antique (chantée et dansée), la jeunesse fête le retour du printemps avec force guirlandes de fleurs et de rameaux. Après avoir désigné dans le groupe le Roi et la Reine de Mai, ils s’en vont, par les villages ou quartiers, récolter de la farine, des œufs, du sucre et aussi de l’argent.
Le compositeur et pédagogue Emile Jaques-Dalcroze (1865-1950) a écrit le texte et la musique du Jeu du Feuillu dans lequel on peut entendre et comprendre les provocations que se lancent filles et garçons dans un début de jeux amoureux.

Les filles :
«Hé garçons, servants infidèles du Mai
Qui ne savez pas trouver dans le bois la feuillette nouvelle,
Vous ne saurez non plus trouver les chemins feuillus
Du cœur des filles que vous aimez en Mai.
(...)
Vous ne l’avez pas le Mai, vous ne l’avez pas le Mai,
Car il ne veut plus, le feuillu, fleurir dans votre garçonnière.»
(in La chanson des “risolettes”)

Les garçons :
«Le soleil filait de l’or sur les haies pour le Mai nouveau...
Nos chansons d’amour se sont dévidées comme un écheveau.
V’là le Mai, (...) nous avons fait belle cueillette, V’là le Mai (...) si gai.
Nous reviendrons deux dans les bois ma mie,
Lavons-nous les yeux de claire verdure,
Peut-on aimer mieux qu’au printemps ma belle,
V’là le Mai joyeux (...)»
(in La chanson des garçons de Mai)

Vous l’aurez compris, «conter fleurette» signifie d’abord “s’exprimer en mots galants, faire la cour”, mais peut vite avoir le sens de “cajoler, amadouer, flatter...” lorsque la sincérité fait défaut.

Complément lexical :
Fleureter : date du XVIe s. = voler de fleur(s) en fleur(s),
Conter fleurette : date du XVIIe s. ; fleurette = propos galant
Fleureter, sens de “faire la cour”, est dérivé de l’anglicisme flirter (=agiter, remuer vivement ; badiner, être inconstant) et date de la fin du XIXe s.

lundi 4 mai 2009

L comme langue






















«Tu donnes ta langue au chat ?»

Donner sa langue au chat, c’est reconnaître publiquement que la question est trop difficile et que, de ce fait, on renonce à la recherche de la solution : le questionneur doit nous donner immédiatement la réponse à la devinette.

Voici une des expressions populaires les plus connues ! Tous les enfants l’utilisent. Ceux de langue étrangère l’apprennent très rapidement au gré de leurs interactions avec les francophones. Lors d’un jeu de devinettes, alors que la réponse n’aboutit pas, il y a toujours quelqu’un pour s’écrier, avec le plaisir de relever le déficit de connaissances des autres : « Vous donnez votre langue au chat ?»
Parce qu’elle concerne en premier lieu le monde de l’enfance, cette petite phrase fait sourire les adultes. Touchante naïveté chez les petits ou rituel implicite transmis par les plus expérimentés, la «langue au chat» reflète une part d’innocence que nous, enfants devenus trop grands, avons perdue.
Entre adultes, cette expression semble incongrue comme si on était “retombé en enfance”, alors que nous nous prêtons naturellement à ce jeu lorsqu’un enfant nous y entraîne.

Or, donner sa langue au chat n’était pas, dans «le brouillard des temps» (selon la formule de Duneton), un geste aussi puéril, innocent ou inconséquent qu’il ne paraît aujourd’hui. D’abord, on ne la donnait pas au chat mais au chien. Ensuite, elle faisait partie de la panoplie des supplices connus tels que : couper les mains, le nez, l’oreille, la langue, châtiments réservés aux voleurs ou aux prisonniers de guerre. Cet acte de barbarie n’est plus toléré dans les pays ou les sociétés respectueux des droits humains.
Aujourd’hui, cette expression relève aussi du domaine psychanalytique car «donner sa langue à manger aux chiens, ou aux chats, c’est, par une automutilation symbolique, devenir irrémédiablement muet, et donc le plus sûr moyen de ne jamais pouvoir répondre à la question posée.» (Claude Duneton)

Malgré tout, je continuerai à jouer aux devinettes, et à donner ma langue au chat, pour la satisfaction personnelle de l’enfant qui peut démontrer, pour une fois, qu’il en sait plus que moi.